Le projet de loi sur les télécommunications et les technologies de l'information et de la communication (TIC), adopté, en première lecture, par l'Assemblée nationale, le 7 mai dernier, est actuellement sur les pupitres des sénateurs qui devraient lui réserver, selon les informations en notre possession, un traitement urgent. Cette précipitation soulève quelques inquiétudes.
Les sénateurs sont-ils sous pression des opérateurs de télécommunications, qui à l'époque du dépôt du projet de loi à la chambre basse, en novembre 2017, s'étaient montrés très critiques à son endroit, en estimant que leurs observations n'avaient pas été prises en compte par le gouvernement. D'un projet qui contenait 381 articles, il n'en reste plus aujourd'hui qu'une centaine. A qui a profité cette manœuvre ?
Autre chose, le texte originel renforçait l'opérateur public, la SCTP (Ex-OCPT) qui devait détenir, gérer et exploiter des infrastructures de base du secteur, le texte envoyé au Sénat tend à consacrer le désengagement de l'Etat. Au profit de qui? Par ailleurs, les opérateurs dénonçaient le fait que le projet consacrait une forte implication des services de renseignement dans le secteur des télécommunications. Ils ont obtenu qu'ils n'en soient pas ainsi. Pourtant, partout au monde, le secteur de la télécommunication implique hautement la sécurité de l'Etat.
Apparemment, il pourrait en être autrement en RDC, si le Sénat ne faisait rien l'examen, par la chambre haute, de ce texte, intervient dans un contexte de suspicion et de rumeurs tous azimuts dénonçant la pression qu'un lobby hyper puissant mettrait contre les intérêts de l'Etat congolais dont il veut écarter de la gestion du juteux et sensible secteur de télécommunication se raconte que, pour les opérateurs de télécommunications, exerçant en RDC, le projet de loi, minutieusement élaboré par des experts spécialistes en la matière et sélectionnés par le Gouvernement de la République, contenait des dispositions contraires à leurs intérêts, notamment à travers des concepts comme les droits exclusifs dont ils ont obtenu l'abandon.
Tous les articles tenant compte des intérêts majeurs du pays et tous les impératifs y afférent dont ceux sécuritaires n'ont pas aux opérateurs Télécom, qui, selon certaines indiscrétions se sont décidés à mettre à genou l'Etat congolais. Ils auraient, ainsi, on ne sait par quel moyen, imposé leurs désirs dans le projet présenté au Sénat. S'il convient, par professionnalisme, prendre de précautions dans l'affirmation d'une telle hypothèse, il est tout de même curieux que tous les salons huppés de la ville bruissent de ces rumeurs.
Ce qui suscite moult interrogations, c'est la disparition, sans aucune explication, de plus d'une centaine d'articles qui mettaient en avant l'intérêt du peuple congolais. Les opérateurs Télécom seraient-ils plus forts que l'Etat congolais au point d'imposer à ce dernier ce que les puissances minières n'ont pas réussi à faire, s'agissant du code minier?
Face à toutes ces réalités troublantes, le silence des membres du gouvernement, ayant ce secteur dans leurs attributions, est inquiétant. Personne n'a tenté de défendre, dans les medias, le texte originel. Si bien que le commun de mortels se demande ce que cacherait une telle attitude. Y a-t-il déjà un vent de culpabilité qui rôderait autour des concernés ?
Coupable de quoi? Coupable d'avoir, peut être, cédé aux largesses des opérateurs Télécom en cette période électorale, très exigeante en terme financier pour ceux qui se sont portés à l'un ou l'autre des scrutins à venir.
Qu'à cela ne tienne, l'Etat congolais n'a aucun intérêt à sacrifier la Société Commerciale de Postes et Télécommunications (SCPT) ou le Renatelsat, deux opérateurs étatiques dont les intérêts n'ont pas été pris en compte dans le texte querellé.
Tout compte fait, eu égard à ce qui précède, le mieux à faire, en ce moment, serait de surseoir à l'examen de ce projet, et revenir, après les élections, dans le cadre d'une nouvelle législature, mais sous la version originale. « Je crois que la question de la fibre optique mérite d'être bien examinée par l'Etat pour qu'en collaboration avec le secteur privé, cette infrastructure de base soit développée. Nous avons 31.000Kms à couvrir à travers la République d'après le plan national.
Seul point d'atterrage, un opérateur qui fonctionne comme il fonctionne là, ce n'est pas aujourd'hui que nous allons régler ce problème-là si nous demeurons dans cette politique des droits exclusifs », analyse John Aluku.
Au ministère de PTT-NTIC, on estime que les inquiétudes des opérateurs des télécommunications sont fondées et l'on espère que la Commission ad hoc de l'Assemblée Nationale tiendra compte des observations des uns et des autres.
Ce projet de loi a été décalé et mis au tiroir, suite à la motion incidentielle introduite le 19 avril par le député national Henri-Thomas Lokondo qui déniait à un gouvernement démissionnaire de soumettre à un examen un projet de loi proposé par lui. Ce projet de loi sur les télécommunications est confié à une commission ad hoc.
Noëlla Mbula/L’Avenir