Si la Gécamines reconnait avoir contracté en 2017 un prêt auprès de Fleurette Mumi, devenue par après Ventora Development, elle renonce cependant à le lui rembourser tant que Ventora ploie sous les sanctions des États-Unis. En attendant, c’est devant les instances judiciaires congolaises que Ventora bataille pour trouver gain de cause.
Devant la presse, réunie mardi dernier au siège de la représentation à Kinshasa de la Générale des carrières et des mines (Gécamines), le secrétaire général du géant minier de la RDC, Deogratias Ngele Masudi, et l’avocat conseiller de la Gécamines, le professeur Roger Massamba, ont échangé avec les acteurs de la société civile œuvrant dans le secteur des ressources naturelles.
Pièces à convictions à l’appui, dont le contrat de prêt et la lettre de titrisation des avances sur fiscalité sollicitées par le Gouvernement, via le ministre des Finances de l’époque, Henri Yav Muland, la Gécamines n’a pas bronché au sujet du prêt qu’elle reconnait avoir contracté en 2017 auprès de Fleurette Mumi, devenue par après Ventora Development.
Certes, la Gécamines est prête à s’acquitter de ce prêt dont une partie, dit-elle, soit 128 millions d’euros, lui a réellement été versée sur un total de 200 millions d’euros, elle dit entre-temps se trouver dans l’impossibilité d’honorer ses engagements dans la mesure où son créancier, Ventora Development, ploie sous les sanctions du Trésor américain.
Le remboursement n’est pas à l’ordre du jour
« Rembourser ce prêt, dans les conditions actuelles dès lors que Ventora est sous sanctions américaines, c’est exposer non seulement la Gécamines à de terribles représailles des Etats-Unis, mais aussi l’ensemble de la RDC. Nous sommes prêt à payer, mais pas tant que les sanctions américaines demeurent », a tranché le professeur Roger Massamba.
Le secrétaire général de la Gécamines a tenté, par ailleurs, d’éclaircir cette énigme. « Fleurette Mumi, devenue Ventora depuis lors, avait octroyé à Gécamines, en octobre 2017, un prêt de 200.000.000 d’euros. À cette époque, cette société n’était pas sous sanction américaine. Il était prévu que Gécamines pourra retirer les sommes dont elle aurait besoin sans dépasser le maximum de 200.000.000 d’euros », a t-il expliqué. Il a ajouté que cet emprunt a été justifié par les besoins de développement de la Gécamines. Ainsi, en exécution dudit prêt, la somme de 128.000.000 d’euros avait été perçue par la Gécamines en octobre 2017. D’après les extraits bancaires et autres documents comptables, cette créance est arrivée à échéance en avril 2018.
Il a expliqué aussi que la quasi-totalité de cette somme a été versée au Trésor public au titre de paiement d’avances sur fiscalité. Pour preuve, a-t-il dit, il existe une lettre du ministre des Finances portant titrisation de cette somme. Le reste a été, toujours selon ses explications, conservé au compte de la société pour le Fonds de roulement de l’entreprise en vue de la production et du fonctionnement.
Dans les conditions actuelles, la Gécamines, note-t-il, se voit dans l’impossibilité de rembourser ce prêt.
« Gécamines a sollicité l’avis de ses conseils (y compris un Cabinet américain). Ces derniers ont fermement conseillé Gécamines de n’effectuer aucun paiement en raison des sanctions économiques frappant le créancier depuis décembre 2017 et pouvant s’étendre à Gécamines en cas de paiement », explique Ngele Masudi Déogratias, qui ajoute qu’en date du 21 novembre 2019, Gécamines avait interjeté appel contre le jugement du Tribunal de Commerce de Lubumbashi pour mal jugé et l’arrêt de la Cour d’appel est toujours attendu.
Si la Gécamines dit regretter cette déconvenue, elle reste solidaire envers son créancier. « C’est un cas de force majeure pour nous et nous continuons à le soutenir. Nous avons dit que nous n’allons pas payer cet argent tant que Dan Gertler est sous sanctions américaines. Nous sommes une société qui tiens à respecter ses engagements, mais des engagements légaux », a précisé Ngele Masudi.
Présent à cette rencontre, à côté d’autres acteurs de la société civile œuvrant dans le secteur des ressources naturelles, Georges Bokundu, représentant de la SARW en RDC, a reconnu que la Gécamines fait face aux difficultés de tous genres, résultant de l’intrusion de l’État congolais, son unique actionnaire, dans sa gestion. La société civile a déploré cette attitude de l’État congolais de s’accaparer des revenus de la Gécamines, l’amputant des moyens de développer ses projets sans pouvoir les rembourser. Ces actes nocifs sont à bannir par des nouvelles autorités du pays afin de permettre à la Gécamines d’avoir des moyens de sa politique, clame la société civile.
Pour le moment, c’est devant les instances judiciaires de la RDC que Ventora tente de trouver gain de cause.
LP