La production des voitures électriques, dont chaque batterie nécessiterait entre 5 et 15 kilogrammes de cobalt, est appelée à exploser dans les années à venir. De quoi rendre stratégique la possession de ce minerai. Or 60% de sa production mondiale se fait en RDC, pays qui possèderait 50% des réserves mondiales.
Dans le seul secteur des batteries, la demande mondiale de cobalt a triplé depuis 2011 et devrait continuer sur cette voie. Elle passerait de 46 000 tonnes en 2017 à environ 190 000 tonnes d'ici 2026, selon l'analyste du secteur Benchmark Mineral Intelligence.
Dans ces conditions, pas étonnant que le prix de ce minerai se soit envolé ces dernières années, même si cette hausse connaît une pause en raison de l'augmentation de la production. Preuve de cet engouement : une nouvelle mine devrait ouvrir prochainement en RDC. "A l'extrême sud de la République Démocratique du Congo, non loin de la frontière avec la Zambie, le site de Metalkol devrait sortir ses premières tonnes de métal 'très prochainement'", a annoncé le groupe kazakh Eurasian Resources (ERG), selon Mediacongo. La production de ce nouveau site va s'ajouter progressivement à celle des deux autres gros producteurs, l’anglo-suisse Glencore et le chinois Molybdenum.
De quoi attirer l'attention sur "les rôles dominants joués à la fois par la Chine et par la République démocratique du Congo (RDC)", note le thinktank CFR.
La RDC produit environ 60% du cobalt mondial et possèderait 50% des réserves de ce métal. Quant à la Chine, elle assure quasiment l'intégralité de sa transformation. Deux questions se posent à propos du cobalt de RDC: dans quelle condition est il produit et rapporte-t-il à ses habitants ?
Une production "éthique" ?
La production de cobalt en RDC est duale. Elle provient de grands groupes mais aussi d'une armée de producteurs artisanaux, employant quelque 200 000 personnes. "Nous veillerons à ce qu’aucun enfant ne soir impliqué dans la production de cobalt sur le site", affirme ERG. La RDC est en effet régulièrement mise en cause pour les conditions de travail dans ses mines, et notamment dans ses mines artisanales. Il est vrai qu’à côté des grandes mines "officielles", toute une production plus ou moins sauvage s’est développée. Et cette production, faite dans des conditions non contrôlées, se retrouve aussi sur le marché de cette matière première indispensable à l’industrie des batteries.
"Nous avons suivi les cargaisons de cobalt au départ des mines artisanales en RDC", explique Mark Dummet, chercheur chez Amnesty International. "Et nous nous sommes rendus compte que toutes les ressources arrivaient" dans des entreprises en Chine, qui revendent le cobalt "à des fabricants de batteries", rapporte Mediacongo.
Les mineurs artisanaux de la RDC, connus sous le nom français de "creuseurs", sont responsables de l'extraction de près d'un cinquième du cobalt sortant du pays, selon CFR. L'engagement d'ERG à produire "éthiquement" du cobalt n'est pas un vain mot car les grands constructeurs automobiles, toujours sensibles à leur image, ne veulent pas que celle-ci soit entachée par des affaires liées à la production du cobalt... Ce qui laisse encore à désirer; selon la dernière enquête d'Amnesty.
Un nouveau code minier pour une substance stratégique
La seconde grande question concerne les revenus qui bénéficient au pays producteur. La RDC, qui vient de connaître une alternance contestée, a récemment pris conscience de cette richesse. Avec un sous-sol très riche, souvent présenté comme un "scandale géologique", le gouvernement a modifié en mars 2018 son code minier afin de mieux tirer profit de ses matières premières.
Le nouveau code doit "rapporter à l’Etat des recettes substantielles pour son développement économique et social", proclame le communiqué de la présidence congolaise. Selon elle, il s’agirait de les faire passer de 800 millions de dollars (650 millions d’euros) à 2 milliards de dollars (1,6 milliard d’euros). Une hausse non négligeable, "sachant que le budget de l’État en 2018 est d’à peine cinq milliards de dollars" (4 milliards d’euros) pour un pays de plus de 80 millions d'habitants, note La Croix.
"Selon le nouveau code minier, peut être déclarée substance stratégique 'toute substance minérale qui, suivant la conjoncture économique internationale du moment, à l’appréciation du gouvernement, présente un intérêt particulier au regard du caractère critique et du contexte géostratégique'", précise La Libre Belgique.
Grâce à cette nouvelle loi, les autorités congolaises ont déclaré "substances minérales stratégiques" le cobalt (mais aussi le coltan et le germanium) ce qui fait passer de 3,5 à 10% les royalties dues à l’Etat pour leur production. Une manne pour l'Etat congolais... à condition que ces revenus soient correctement utilisés.
Ce qui ne semble pas toujours le cas. Un récent scandale a mis en cause la société d'Etat Gécamines.Une ONG américaine, le Centre Carter, avait estimé en 2017 que 750 millions de dollars n’avaient pu être retracés de "manière fiable" dans sa comptabilité. Une allégation démentie par Gécamines dont le président à accusé les ONG de vouloir la déstabilisation de "la République Démocratique du Congo pour servir sans entrave, au nom de pseudo-idéaux démocratiques, la demande étrangère en mal de cobalt, de coltan, de cuivre (...) et d'autres minerais stratégiques dont le monde a tant besoin pour assurer la transition énergétique."