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La loi sur la sous-traitance promulguée le 8 février 2017 est claire en son article 6 et ne souffre que quelques exceptions. Si elle a eu peu d'échos dans le grand public, en revanche, dans le monde des affaires, elle est loin d'être passée inaperçue. Notamment dans le secteur minier, le premier concerné et pour lequel elle aurait été concoctée. « La loi a surtout été élaborée pour le secteur minier. On l'a étendue à d'autres branches. Il existait un arrêté ministériel datant d'avril 2013 qui imposait aux miniers de recourir à des sociétés de sous-traitance de droit congolais avec majorité du capital congolais, mais cela n'a jamais été appliqué. C'est pour renforcer la présence des nationaux dans ce secteur que l'on a élaboré la loi », précise Simon Tuma-Waku, président de la chambre des Mines de la Fédération des entreprises du Congo (FEC).

La sous-traitance, une forte réalité dans le secteur minier

Deux raisons expliquent la place importante occupée par la sous-traitance dans le secteur minier. Primo, les mines représentent près de 25 % du produit intérieur brut (PIB), soit la première place dans l'économie de la RD Congo. Secundo, le processus minier fait appel à une gamme variée d'acteurs. Concentrées sur l'exploration, l'extraction et le traitement des minerais et des métaux, la plupart des compagnies minières confient les autres opérations à des sous-traitants.

L'éventail des opérations réalisées est vaste et le marché très segmenté. « Il va de la fourniture de matériels et de produits nécessaires à l'activité minière, au transport et à la mise à disposition de personnel en passant par le gardiennage, l'analyse minérale, la logistique, la surveillance environnementale et une foule d'autres prestations », informe Stéphane, un consultant dans le domaine minier. Difficile d'évaluer son chiffre d'affaires. « Peu de sociétés de sous-traitance sont cotées en bourse. On a donc peu d'informations et ce secteur n'apparaît pas clairement dans les comptes nationaux », souligne ce dernier. Une constante en RD Congo, comme note le sénateur Florentin Mokonda Bonza à propos du secteur minier : « On ne retrace pas toujours de manière claire les recettes qui sont issues des opérations de vente d'actifs. Il n'y a même pas de plus-value enregistrée dans les caisses de l'État congolais ».

Un chiffre d'affaires conséquent

Néanmoins, tout porte à croire que le chiffre d'affaires de la sous-traitance minière s'élèverait à plusieurs milliards de dollars. La filière semble donc très rentable, voire « plus lucrative que le secteur minier lui-même », confie le responsable d'une organisation professionnelle. Son chiffre d'affaires devrait fortement augmenter dans les années à venir, en particulier dans la filière cuivre et cobalt où, sous l'effet de la remontée des cours mondiaux et des besoins du marché, les perspectives s'annoncent prometteuses. « La production de cuivre devrait passer d'environ 1 million de tonnes actuellement à 1,5 million de tonnes en 2019. Les enjeux sont donc importants et déjà des hommes d'affaires se positionnent sur le terrain », signale Éric Monga, le président de la Fédération des entreprises du Congo (FEC) des provinces de l'ex-Katanga. Des perspectives confirmées par BMI Research, une filiale de Fitch Group, selon laquelle l'industrie minière de la RDC devrait enregistrer « un taux de croissance moyen de 17,7 % en 2018 », devançant ainsi des pays miniers comparables.

Des capitaux majoritairement étrangers pour les grosses structures

Autre particularité, la sous-traitance est « principalement détenue par des sociétés de droit congolais, mais à capitaux majoritairement étrangers ou des filiales de multinationales, disposent de gros moyens financiers et d'expertises », informe Stéphane. Y figurent des Européens, des Américains, des Australiens, des Libanais... Des Sud-Africains, des Tanzaniens et des Zimbabwéens également ainsi que des Chinois et des Indiens.

Les activités occupées par les intérêts étrangers sont nombreuses. Ce sont notamment l'excavation et le transport des minerais sur site, des produits finis vers les ports de la sous-région (Tanzanie, Kenya et Afrique du Sud) ou des intrants importés, où les hommes d'affaires d'Afrique australe et d'Afrique de l'Est sont très actifs. Les opérations en douanes, la logistique, la maintenance, la construction de mines et d'usines ou la fourniture de véhicules, d'équipements et autres matériels pour l'industrie minière sont d'autres créneaux. À l'exception de la chaux et d'un peu d'acide fabriqués localement par entre autres la Gécamines, l'essentiel des produits chimiques utilisés (cyanure, acide sulfurique, soufre et autres réactifs chimiques) est importé. Le catering ou la fourniture et la distribution de produits pétroliers sont également dominés par des entreprises à capitaux étrangers.

Aux Congolais, des structures plutôt modestes

Les Congolais, pour leur part, sont à la tête de sociétés plus modestes en termes de capital et de chiffres d'affaires. Ils interviennent principalement dans la mise à disposition de personnels, notamment des géologues, l'entretien de bâtiments, la maintenance d'équipements ou le gardiennage. Quelques-uns disposent de laboratoires d'analyse minérale et de surveillance environnementale.

Depuis plusieurs mois, des miniers aux sous-traitants, en passant par les organisations professionnelles, la FEC en tête, tous sont mobilisés pour mettre en œuvre la loi. Les craintes ne sont pas absentes, puisque l'ouverture du capital des sociétés concernées à des Congolais voire la création de nouvelles entreprises bouleverse le marché. « Nous organisons des tables rondes pour sensibiliser les sociétés à la nouvelle loi. Depuis sa promulgation, nous avons organisé cinq journées de réflexion avec les concernés. Nous cherchons les voies les plus faciles pour que cela soit bénéfique pour tout le monde », insiste Monga. Toutes les idées sont les bienvenues. « La FEC a mené une enquête pour évaluer les difficultés qui peuvent se poser et les comportements à adopter. Nous avons demandé aux miniers de faire des propositions pour que la mutation ne porte pas préjudice à leurs activités et qu'il n'y ait pas de rupture dans la production », souligne Jean-Luc Mpoyo, en charge de la sous-traitance à la FEC Katanga.

À qui profitera cette loi ? 

Reste à savoir à qui profitera réellement cette loi ? Sur ce plan, les opinions divergent. Pour la FEC, la loi, qui vise entre autres à limiter les rapatriements des avoirs à l'étranger, profitera à l'État et aux Congolais qui investiront dans la filière. À cet effet, la FEC se propose d'aider les nationaux à se structurer et s'équiper et à vendre leurs compétences pour être en mesure de répondre aux besoins des miniers. « À partir de janvier 2018, on fera des visites sur le terrain pour recenser les entreprises de sous-traitance existantes, identifier leur taille, le nombre d'employés, leurs spécificités et leur localisation », précise Mpoyo.

D'autres Congolais, pour leur part, estiment que les dés sont jetés et que des « caciques », déjà présents dans ces entreprises sous des prête-noms ou qui lorgneraient sur de nouvelles sources de rente, seront les grands gagnants. Pour plusieurs raisons. Primo, la sous-traitance exige des capitaux voire des compétences pointues dont ne disposent pas toujours les Congolais, même si parmi eux les géologues, ingénieurs et techniciens ne manquent pas. Secundo, il est très difficile d'entrer dans le domaine minier et para-minier sans liens politiques à haut niveau. Du coup, à la faveur de cette loi, « des milieux politiques ou d'affaires congolais vont s'engouffrer dans ce secteur, en prenant des parts de capital dans des sociétés existantes ou en forçant les grandes entreprises minières à externaliser des prestations pour les confier à des sociétés locales.

Tout cela dans le seul but de s'enrichir », martèle un avocat d'affaires. Même le Centre national d'appui au développement et à la participation populaire (Cenadep), qui, à l'instar de Ressources naturelles pour le développement (RND) et de la Ligue congolaise contre la corruption (Licoco), milite depuis longtemps pour que les Congolais soient plus présents dans le tissu économique du pays et que les droits sociaux des travailleurs soient mieux observés dans cette filière, craint que les sociétés de sous-traitance existantes soient obligées de se rapprocher de personnalités « bien placées » pour continuer à opérer. Au détriment des plus petits. Une femme chef d'entreprise, membre du Cenadep, souligne également : « Ce sont les Congolais qui ont l'argent, des relations et l'information avant les autres, qui vont bénéficier de cette loi. Il y a un travail d'information à faire auprès des entrepreneurs congolais pour faire connaître la loi. »

Pour Stéphane, la loi n'est pas mauvaise en elle-même, puisqu'elle vise la promotion des Congolais dans l'économie. Mais elle n'est pas adaptée aux réalités de la RDC actuelle. Pour être efficace, elle aurait dû prévoir une mise en œuvre graduée, secteur par secteur et produit par produit. « Des pans entiers de la sous-traitance sont réalisés à l'étranger, comme la fabrication des produits chimiques, un créneau dominé par les Sud-Africains. Or il n'y a pas d'infrastructures en RDC pour fabriquer ces produits et rien n'est prévu pour rectifier cela. Ils continueront donc à être importés. Cette loi a été taillée sur mesure par et pour certains », souligne-t-il. Quid en outre du transfert de technologie ? Autant de questions sans réponses. La sous-traitance serait-elle une nouvelle poule aux œufs d'or ? À suivre.

 

Avec le Point

 

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