C’est du moins l’avis de plusieurs experts consultés par Le Journal, qui soulignent l’importance de ce forum pour un petit pays comme le Canada, dont la voix à l’international est limitée.
« Il n’est pas impossible que Trump se retire et fasse imploser le Sommet, croit un ancien organisateur de trois G7 pour le Canada, Leonard Edwards. Je n’ai aucune raison de croire qu’il le fera. Mais les autres pays doivent être très inquiets de voir son principal membre questionner sans cesse la pertinence des valeurs que le G7 est censé défendre. »
Objectif secret
Le schisme entre les États-Unis et les six autres pays est né l’an dernier lors du Sommet en Italie, le premier G7 de Donald Trump, sur la question de l’environnement.
La guerre commerciale qui a éclaté cette semaine entre l’administration Trump, d’un côté, et le Canada et l’Europe, de l’autre, risque d’empoisonner encore plus les discussions dans Charlevoix.
Dans ce contexte, le « premier objectif » de Justin Trudeau sera « probablement de sauver le G7 », croit lui aussi le politologue de l’Université Laval, Louis Bélanger.
Le premier ministre devra « s’organiser pour que ce Sommet ne soit pas perçu comme une autre étape vers une certaine forme de dissolution ou de paralysie », explique-t-il.
Ancien haut fonctionnaire, M. Edwards croit que « la préservation du G7 » sera « l’objectif caché » du premier ministre Trudeau.
« Le Canada devra tout faire en son pouvoir pour que tous les membres restent à la table et démontrer à M. Trump que le Sommet est utile », juge l’ancien sherpa.
Sujets communs
Justin Trudeau aura fort à faire pour assurer la cohésion du groupe alors que l’administration Trump critique sans arrêt les idées mêmes que le G7 est censé défendre, comme la coopération internationale et le libre-échange.
Pour le Canada, le G7 est un forum idéal pour faire avancer ses intérêts, croient plusieurs experts, dont le directeur du groupe de recherche sur le G7 à l’Université de Toronto, John Kirton.
Ce dernier est toutefois plus optimiste sur l’issue des discussions.
À son avis, les points communs demeurent nombreux entre les différents partis, comme la volonté d’améliorer le sort des femmes et de la classe moyenne, la dénucléarisation de la Corée du Nord, et le terrorisme.
LE CANADA A L’HABITUDE DE DÉFENDRE CETTE RENCONTRE
Ce n’est pas la première fois que le Canada a à se porter à la défense du G7, alors que la pertinence du Sommet a ironiquement été attaquée lorsque le pays l’a accueilli pour la dernière fois en 2010.
À l’époque, ce n’est pas l’isolement d’un membre influent qui a failli mener à l’abandon de la formule. Mais plutôt l’émergence d’un groupe plus nombreux, le G20, se souvient l’ancien organisateur de l’événement, Leonard Edwards.
Ce dernier se souvient des débats « intenses » en coulisses sur le sujet, alors que le Canada accueillait les deux conférences diplomatiques en même temps. La question était de savoir si le G7 était encore utile avec la création récente du G20, qui inclut la Chine, l’Inde et le Brésil.
Le directeur du groupe de recherche sur le G7 à l’Université de Toronto, John Kirton, croit de son côté que le Sommet est bien en selle, malgré les tensions créées par la Maison-Blanche. Il rappelle qu’un seul Sommet a réellement été un échec, au début des années 1980.
Pour M. Kirton, le succès de ce Sommet pour Justin Trudeau passe par l’annonce de la réalisation de trois objectifs :
– Des investissements de plusieurs milliards dans l’éducation de jeunes filles pauvres ;
– La création d’une charte pour retirer le plastique des océans ;
– De nouvelles initiatives pour combattre l’interférence étrangère dans les élections.
Hypocrisie
Le Sommet est toutefois loin de faire l’unanimité, comme en fait foi l’important nombre de manifestations qui sont prévues en marge de l’événement. « On voit mal comment le G7 peut prendre des engagements sincères à l’égard d’un programme qu’il veut progressiste et inclusif quand le débat exclut de grands pans de la population », soutient Barry Eidlin, professeur de sociologie à l’Université McGill.
LES LEADERS DU SOMMET
Enjeux majeurs
Les sept leaders parmi les plus puissants de la planète sont conviés dans Charlevoix, les 8 et 9 juin. Le sommet annuel du Groupe des sept permet à ces leaders de « bâtir des consensus et façonner des orientations » sur les grands enjeux mondiaux. Cette année, les thèmes sont : la croissance économique, le climat, les emplois de l’avenir, l’égalité des sexes et, le dernier et non le moindre, construire un monde pacifique et plus sûr.

En coulisse
TRUMP S’ATTAQUE À LA GESTION DE L’OFFRE CANADIENNE
Alors qu’une guerre commerciale se dessine entre Ottawa et Washington, le président des États-Unis s’est une nouvelle fois attaqué au Canada sur les réseaux sociaux hier matin.
« Le Canada a maltraité notre agriculture et nos fermiers pendant très longtemps », a écrit Donald Trump dans une de ses habituelles tirades sur Twitter.
Il s’agit d’une référence à peine voilée au système de gestion de l’offre dont bénéficient les agriculteurs canadiens, et dont Washington souhaite l’abolition dans le cadre de la renégociation de l’ALENA.
« Très restrictif sur le commerce ! Il doit ouvrir ses marchés et abattre ses barrières commerciales ! » a ajouté l’homme d’affaires.
La veille, Ottawa a répliqué à l’imposition par Washington de tarifs de 25 % sur l’acier et de 10 % sur l’aluminium canadien en annonçant des tarifs équivalents sur l’acier et l’aluminium américains, ainsi que sur plus d’une centaine d’autres produits provenant du sud de la frontière.
Ces tarifs d’une valeur de 16,6 G$ touchent des articles aussi variés que le papier de toilette, les cartes à jouer et les fûts de bière. Ils entreront en vigueur le 1er juillet.
Par ailleurs, Le Canada a porté plainte hier contre les États-Unis devant l’Organisation mondiale du commerce (OMC) alléguant que la surtaxe « ne respecte ni les obligations commerciales internationales américaines ni les règles de l’OMC », a déclaré la ministre canadienne des Affaires étrangères du Canada, Chrystia Freeland.
12 CHEFS D’ÉTAT ET DE GOUVERNEMENT À QUÉBEC
Il s’agit, par ordre alphabétique, des représentants de l’Argentine, du Bangladesh, de Haïti, de la Jamaïque, du Kenya, des Îles Marshall, de la Norvège, du Rwanda, du Sénégal, des Seychelles, de l’Afrique du Sud et du Vietnam.
Parmi les noms des plus connus, notons la présence de Paul Kagame, président du Rwanda et de l’Union africaine.
Discrétion
Une certaine discrétion, vraisemblablement motivée par des questions de sécurité, persiste quant aux endroits où logeront ces leaders.
« Le gouvernement [du Canada|] assure la coordination auprès des établissements avec lesquels nous avons des ententes. Nous ne pouvons confirmer les établissements dans lesquels logeront les dirigeants ou leur délégation », a fait savoir Rémi Larivière du Bureau de gestion des sommets à Affaires mondiales Canada.
Chose certaine, ces leaders participeront, le 9 juin à Charlevoix, à « une séance spéciale » du G7 en compagnie des chefs des sept principales puissances mondiales. La rencontre portera « sur la santé des océans et la résilience des communautés côtières », lit-on dans un communiqué de presse du cabinet du premier ministre publié hier.
Cette rencontre devra également permettre de discuter des « meilleures façons de répondre aux défis urgents, dont la présence de plastique dans nos océans et les pêches illégales, non déclarées et non réglementées », détaille-t-on.
VIDÉOTRON PORTE PLAINTE QUANT À UN CONTRAT ACCORDÉ À BELL
Le Tribunal canadien du commerce extérieur a ouvert une enquête à la suite d’une plainte de Vidéotron concernant l’octroi d’un contrat de services cellulaires à Bell dans le cadre du G7.
Vidéotron allègue dans sa plainte que l’organisme fédéral, Services partagés Canada, a attribué à Bell « un ou plusieurs contrats » sans suivre de processus d’appel d’offres équitable.
Il s’agit d’un contrat pour la construction et l’installation de 13 tours de téléphonie cellulaire en lien avec le Sommet du G7 à La Malbaie, et un autre prévoyant notamment l’installation de fibre optique. Le montant total en jeu est estimé à 21 millions $.
Selon Vidéotron, ces contrats ont été attribués en violation des dispositions de l’Accord de libre-échange nord-américain sur l’octroi de contrats pour la réalisation d’infrastructures.
Dans sa plainte, la filiale de Québecor, qui se présente comme fournisseur potentiel, parle d’injustice à son endroit et demande « une indemnité pour la perte d’opportunité et le préjudice subi ».
Avec le Journal de Montréal