Le 5 juillet dernier, l’OCDE et la FAO ont publié les « Perspectives agricoles » sur la prochaine décennie (2021-2030) offrant une évaluation sur les marchés nationaux, régionaux et mondiaux de produits agricoles. Pour cette dernière édition, le rapport de référence met en lumière des changements majeurs qui interviendront dans le secteur agroalimentaire mondial sur les dix ans à venir sur fond d’augmentation de la population globale et d’urgence climatique. Décryptage en 4 points sur les grandes lignes abordées par le document.
L’un des principaux aspects du rapport porte sur la consommation mondiale de denrées alimentaires qui devrait connaître un rythme de progression plus lent avec 1,2 % par an à l’horizon 2030 contre 2,2 % sur la dernière décennie. Cette situation s’explique essentiellement par les perspectives de ralentissement du côté de la Chine, premier marché alimentaire mondial. L’empire du Milieu devrait afficher une augmentation de 0,8 % par an de sa demande alimentaire.
L’Afrique subsaharienne, l’Asie du Sud, le Proche-Orient et l’Afrique du Nord contribueront pour l’essentiel de la demande supplémentaire en denrées alimentaires.
Globalement selon l’OCDE et la FAO, les huiles végétales feront partie des produits les plus touchés par l’essoufflement de la consommation avec une demande dont la progression sera trois moins rapide en raison de la stagnation ou du recul de la consommation de biodiesel aux USA et dans l’Union européenne (UE). D’autres produits comme les céréales, les produits halieutiques et aquacoles verront leur demande progresser moitié moins vite que lors de la dernière décennie. D’après le rapport, la dynamique de la consommation sera principalement tirée par la croissance de la population dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire.
Ainsi, les régions affichant une forte expansion démographique comme l’Afrique subsaharienne, l’Asie du Sud, le Proche-Orient et l’Afrique du Nord contribueront pour l’essentiel de la demande supplémentaire en denrées alimentaires. Ces zones pèseront notamment pour les deux tiers de la consommation supplémentaire des céréales, des racines, des tubercules et des légumineuses et pour 35 % à la demande supplémentaire de sucre au cours de la prochaine décennie.
Ces zones pèseront notamment pour les deux tiers de la consommation supplémentaire des céréales, des racines, des tubercules et des légumineuses et pour 35 % à la demande supplémentaire de sucre au cours de la prochaine décennie.
Pendant ce temps, la demande dans les pays à revenu élevé, notamment en Europe, continuera à être plombée par l’atonie de la poussée démographique et la saturation de la consommation alimentaire de plusieurs produits. « La disponibilité par habitant des différents groupes de produits alimentaires atteint déjà des niveaux élevés et le vieillissement de la population combiné à une sédentarisation accrue des modes de vie limitent les besoins supplémentaires en calories », indique le document.
87 % de la hausse de la production agricole sera liée à l’augmentation des rendements
Sur la prochaine décennie, la production agricole continuera à s’améliorer, même si cela sera à un rythme légèrement plus lent. Pour l’essentiel, la hausse des rendements assurera 87 % de l’augmentation du volume agricole total. Le fait notable est que l’agrandissement des surfaces agricoles sera de moins en moins d’actualité d’ici 2030 en raison de l’intensification de plus en plus poussée. Cette dernière devrait d’ailleurs supplanter l’expansion des superficies en termes de contribution à l’accroissement de la productivité avec 7 % contre 6 %.
La demande de volaille va connaître une forte augmentation.
A l’échelle mondiale, la production végétale augmentera de 18 % au cours de la décennie à venir grâce à la Chine et l’Inde. Du côté de la production animale et en particulier de l’industrie de la viande, c’est la volaille qui sera le véritable moteur. Ce segment contribuera en effet, pour 52 % de l’augmentation de la production mondiale de viande d’ici 2030. Pour sa part, l’aquaculture devrait connaître un ralentissement de sa croissance sur la prochaine décennie, ce qui réduira la production mondiale de poisson. La production aquacole devrait atteindre 103 millions de tonnes en 2030.
Le secteur agricole contribuera de plus en plus au réchauffement climatique
L’agriculture sera en première ligne sur les questions climatiques. Si le secteur est souvent cité parce qu’il sera l’un des plus touchés par les effets du réchauffement planétaire, il connaîtra cependant une hausse de ses émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2030.
L’élevage va contribuer à la hausse des émissions de gaz à effet de serre.
Ainsi selon l’OCDE et la FAO, l’agriculture verra une hausse de 4 % de ses rejets de GES pendant la prochaine décennie. D’après les deux organisations, l’élevage pèsera pour 80 % de cette hausse.
Ainsi selon l’OCDE et la FAO, l’agriculture verra une hausse de 4 % de ses rejets de GES pendant la prochaine décennie. D’après les deux organisations, l’élevage pèsera pour 80 % de cette hausse.
En Afrique subsaharienne, les émissions directes de GES devraient s’accroître de 16 % et la région devrait contribuer pour 62 % à la croissance totale des émissions directes de GES imputables à l’agriculture. Alors que globalement, le secteur représente déjà 12 % des émissions mondiales de GES, les deux organisations appellent à la mise en œuvre de politiques efficaces en matière d’élevage.
« Les pouvoirs publics devront donc déployer des efforts supplémentaires pour que le secteur agricole contribue réellement à la réduction mondiale des émissions de GES prévue par l’Accord de Paris. Cela souligne une fois encore la nécessité d’investir dans des solutions innovantes et de les mettre en œuvre au niveau mondial, afin d’améliorer la viabilité environnementale du secteur agricole », peut-on lire dans le rapport.
Les échanges alimentaires se renforceront
D’après l’OCDE et la FAO, le commerce alimentaire continuera à jouer un rôle vital dans la sécurité alimentaire. Alors que déjà dans le monde, 20 % de la consommation intérieure est importée, les échanges agricoles continueront de s’accroître pour la plupart des produits. En outre, la prochaine décennie verra un renforcement de la disparité entre zones importatrices et zones exportatrices de produits agricoles. L’Afrique subsaharienne, la région Proche-Orient et l’Afrique du Nord déjà importatrices nettes de produits agricoles verront ainsi une accentuation de leur dépendance à l’égard des marchés internationaux.
L’Afrique subsaharienne, la région Proche-Orient et l’Afrique du Nord déjà importatrices nettes de produits agricoles verront ainsi une accentuation de leur dépendance à l’égard des marchés internationaux.
Ainsi d’ici 2030, les importations nettes de l’Afrique subsaharienne devraient grimper de 75 % du fait de la hausse des importations de blé, de riz, de maïs et de soja. Pour sa part, le Proche-Orient et l’Afrique du Nord devraient voir leurs importations nettes augmenter de plus de 28 % d’ici 2030. La zone restera la première importatrice mondiale de produits alimentaires de base par habitant.
D’ici 2030, les importations nettes de l’Afrique subsaharienne devraient grimper de 75 %.
Sur un tout autre plan, la région Amérique latine et Caraïbes consolidera sa position de premier fournisseur mondial de produits agricoles. Ses exportations nettes augmentent de 19 % et représenteront plus d’un tiers de sa production agricole totale d’ici 2030. Cette hausse du commerce extérieur sera favorisée par la production croissante de maïs, de soja, de bœuf, de volaille et de sucre. De son côté, l’Amérique du Nord, deuxième fournisseur mondial de produits agricoles, connaîtra une hausse de 11 % de ses expéditions agricoles à l’horizon 2030.
Espoir Olodo / Agence Ecofin