La Russie va sauver de la sécheresse la région autonome ouïghoure du Xinjiang. Le ministre de l’Agriculture russe, Alexandre Tkatchev, a proposé à son homologue chinois un projet de transfert d’eau potable depuis l’Altaï, en Sibérie occidentale, jusqu’à la région chinoise, en passant par le Kazakhstan. Aujourd’hui, en exploitant les réservoirs d’eau de l’Altaï, Guiliovskoye et Novossibirsk, la Russie gaspille près de 70 millions de m3 d’eau par an. C’est ce surplus qu’elle veut vendre à la Chine. Si un projet commun voit le jour, avec le concours du pays d’Asie centrale, qui lui aussi a des vues sur les eaux sibériennes, les volumes d’eau déplacée pourront atteindre le milliard de m3 annuel, selon l’agence russe Tass.

Mais le projet, qui n’est même pas encore au stade d’élaboration, sera forcément problématique, souligne le quotidien Vedomosti. S’il s’agit de construire un canal entre la Russie et la Chine, une partie de l’eau sera immanquablement perdue, par absorption ou évaporation. Le choix d’un aqueduc risque d’être extrêmement coûteux et d’augmenter dramatiquement le prix de revient du litre d’eau à la sortie. Sans parler des conséquences écologiques que peut provoquer la redirection des cours naturels, telles que l’ensablement et la disparition massive d’espèces animales. «Bien sûr qu’il y a des crues, mais il ne faut pas oublier que le réservoir de Novossibirsk n’est pas non plus dans un état idéal, prévient Victor Danilov-Danilyan, directeur de l’Institut des problèmes de l’eau dans une interview au quotidien MK. De manière générale, les leçons de l’histoire nous enseignent que les détournements d’eau ne sont pas une bonne idée. Il vaut mieux préserver les réserves là où elles se trouvent et trouver des moyens pour ne pas les gaspiller.»

De fait, dans les esprits, les projets mégalos d’interférence avec la nature, comme le détournement des fleuves, symbolise surtout les desseins pharaoniques absurdes du régime communiste. Et son inefficacité structurelle. Dans les années 30, des recherches avaient été menées pour étudier la possibilité de renverser le cours des rivières de Sibérie pour qu’elles irriguent les terres assoiffées d’Asie centrale, plutôt que de se déverser inutilement dans l’océan Arctique. Repris par Nikita Khrouchtchev en 1961, le projet a commencé à être développé, avant d’être définitivement abandonné en 1986 pour des raisons essentiellement écologiques. 

Avec Libération