Le géant gazier russe Gazprom a annoncé ce lundi qu'il réduirait dès mercredi à 33 millions de mètres cubes ses livraisons quotidiennes à l'Europe, via le gazoduc Nord Stream. Moscou invoque des opérations de maintenance sur une turbine. Pour l'Allemagne, très dépendante du gaz russe, il s'agit là d'un prétexte et d'une décision politique.
Après l'épisode de la turbine à gaz en réparation au Canada, voici celui de l'opération de maintenance sur une autre turbine du gazoduc Nord Stream. Chaque semaine désormais, Gazprom invoque un problème technique pour expliquer la baisse de ses livraisons de gaz. Dès mercredi, elles passeront à 33 millions de mètres cubes par jour, soit 20% de la capacité du gazoduc reliant la Russie à l'Europe occidentale.
Le prétexte invoqué a fait bondir Berlin, ultra dépendant de l'énergie russe, qui dénonce une décision politique. Les Occidentaux accusent Moscou d'utiliser l'arme énergétique en représailles aux sanctions adoptées après le déclenchement de la guerre en Ukraine.
Pour l'analyste italien, Simone Tagliapietra, la Russie cherche surtout à faire bondir les prix du gaz sur le marché mondial pour renforcer l'inflation qui déstabilise actuellement l'Europe. Ce lundi soir, peu après l'annonce de Gazprom, le cours du gaz augmentait de 10%. « La stratégie de la Russie, c'est de faire ployer l'économie européenne sous le prix de l'énergie qui fait grimper l'inflation. Et elle voudrait à moyen terme que ce coup de boutoir contre l'économie européenne pousse l'Europe à faire marche arrière sur les sanctions, à les adoucir pour pouvoir souffler. C'est ça la stratégie du Kremlin. C'est une guerre économique. Et c'est à cette guerre économique que l'Europe doit répondre en étant unie », explique l'analyste au micro de RFI.
L'UE cherche à réduire sa dépendance au gaz russe
Cette nouvelle passe d'arme russo-européenne sera sans doute au centre des discussions à Bruxelles où se réunissent ce mercredi les ministres européens en charge de l'énergie. Plus que jamais, la Commission européenne veut anticiper la coupure nette du robinet gazier russe. Et pour cela, elle demande aux États de faire tout leur possible pour réduire de 15% leur consommation par rapport à la moyenne des cinq dernières années.
Le Portugal et l'Espagne se veulent solidaires de leurs voisins, mais trouvent injuste de limiter leur consommation, étant peu exposés au gaz russe. La France, elle, est contre un objectif uniforme qui ignorerait les spécificités de chacun. Paris dit préférer une action coordonnée qui ne handicape pas par exemple son voisin et partenaire économique allemand, très dépendant du gaz russe.
Du côté du ministre français de la Transition énergétique, on souligne que réduire sa consommation de gaz pour aider ses voisins n'aurait de sens que s'il était possible de l'exporter. Or les infrastructures sont limitées. En cas de risque grave de pénurie, la Commission veut rendre contraignante la réduction de 15%. Paris plaide pour que ce mécanisme d'alerte reste soumis à l'accord des États au risque d'empiéter sur le principe de subsidiarité, qui donne la compétence aux États de choisir leur politique énergétique.
Quoi qu'il en soit, cette nouvelle réduction de la livraison de gaz russe à l'Europe aura rapidement un impact important. « L'Allemagne va devoir maintenant réduire sa consommation de gaz de manière conséquente parce que si elle ne réduit pas sa consommation, elle ne sera pas en mesure de sécuriser ses approvisionnements pour l'hiver, détaille Simone Tagliapietra. Il est très probable que pour l'hiver, la Russie va cesser toutes les exportations de gaz vers l'Europe. La Russie n'a pas intérêt à couper tout le gaz aujourd'hui parce qu'elle attend le meilleur moment pour le faire, un moment où, elle l'espère, l'Europe sera encore plus éprouvée par la crise, par l'inflation ».
Zelensky appelle l'Europe à « riposter »
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a lui appelé ce lundi soir l'Europe à « riposter » à la « guerre du gaz » menée par la Russie en renforçant les sanctions européennes contre Moscou.
« Aujourd'hui, nous avons entendu de nouvelles menaces gazières envers l'Europe. Malgré la concession concernant la turbine pour Nord Stream, la Russie ne va pas reprendre l'approvisionnement en gaz des pays européens, comme elle y est contractuellement obligée », a déclaré Volodymyr Zelensky dans son message vidéo quotidien. « C'est pourquoi vous devez riposter. Ne réfléchissez pas à la façon de faire revenir une turbine, mais renforcez les sanctions », a-t-il ajouté.