Après la destruction d’environ 850 hectares pour planter des palmiers à huile au cœur de la forêt du bassin du Congo, près de Kisangani, dans le nord-est de la République démocratique du Congo, le 25 septembre 2019. SAMIR TOUNSI / AFP
Les moyens manquent pour lutter contre le trafic de bois, alors que le bassin du Congo stocke « six ans d’émission mondiale de CO₂ », d’après l’Initiative pour la forêt de l’Afrique centrale.
La République démocratique du Congo (RDC) abrite la plus grande partie de la forêt humide équatoriale en Afrique, dont la préservation est vitale dans la lutte contre le réchauffement climatique. Mais l’Etat est trop faible pour la protéger efficacement.
Le trafic du bois par les officiels eux-mêmes est dénoncé à voix haute à Kisangani, chef-lieu de la province forestière de la Tshopo (nord-est). « Il y a les députés et les militaires qui font le bois », affirme le président des exploitants artisanaux, Félicien Liofo. « Ils ne paient pas de taxes. C’est de la concurrence déloyale. »
Sur la route RN4 à l’entrée de la ville, un poste de contrôle vérifie les documents des exploitants forestiers, ainsi que le volume et l’origine des grumes qu’ils transportent. « Des soldats en uniforme ouvrent parfois eux-mêmes la barrière avec les armes. Ils vous menacent de tirer », déplore un officier de police judiciaire, qui dénonce les « trafics d’influence » des militaires, des députés et des ministres provinciaux.
Un moratoire sur l’octroi de concessions
En forêt, c’est parfois la loi de la jungle. A 40 km de Kisangani, une entreprise agro-industrielle congolaise, la Scipec, a coupé 850 hectares pour planter des palmiers à huile. « En 2020, nous allons faire une extension de 650 ha », se félicite son gérant, le bruit d’une tronçonneuse en fond sonore. Mais un exploitant forestier industriel, la CFT, affirme, carte à l’appui, que la palmeraie s’est installée sur sa propre concession, obtenue en toute légalité auprès des autorités congolaises.
Début 2019, après enquête, l’ONG Global Witness a accusé un haut gradé de l’armée congolaise, le général Gabriel Amisi Kumba, d’avoir « contourné la loi en acquérant puis en revendant les permis forestiers ». Soit une « violation du moratoire » en vigueur depuis 2002 sur l’octroi des nouvelles concessions, selon l’ONG.
Selon les chiffres officiels, à peine 8 % de la surface forestière en RDC est exploitée (120 000 km2), à travers une soixantaine de concessions à des industriels et quelques communautés locales. En contrepartie, les industriels doivent payer toute une série de taxes (abattage de déboisement, exportation…) et respecter un « plan d’aménagement » qui divise leur concession en « assiettes annuelles de coupe ». A l’intérieur de ces périmètres annuels d’abattage, ils n’ont le droit de couper qu’un certain nombre d’arbres (de l’ordre d’un par hectare, par exemple, pour la CFT près de Kisangani). Le cahier des charges prévoit enfin des œuvres sociales pour les villages qui se trouvent dans les concessions : respect des forêts « sacrées » (le cimetière des ancêtres), construction de routes, d’écoles, de centres de santé.
La forêt primaire a reculé de 4 800 km2 en 2018
La CAFI indique qu’elle « finance actuellement des programmes dont le but est de prévenir l’émission de 40 millions de tonnes de CO₂ » en RDC. Elle s’est engagée à verser 200 millions de dollars jusqu’en 2020 à la RDC à travers un « fonds national pour la réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation des forêts ».
En 2018, la forêt primaire tropicale a reculé en RDC comme nulle part ailleurs au monde à part au Brésil (481 248 hectares, soit 4 812 km2), d’après le rapport annuel de Global Forest Watch.
Avec le Monde