Développer et moderniser l'économie zimbabwéenne aujourd'hui en faillite, voilà la mission principale qu'Emmerson Mnangagwa a assignée à l'équipe gouvernementale qu'il vient de former à la suite d'un remaniement qui a concerné quelque vingt ministres. Et le président fraîchement élu n'a pas rechigné sur les moyens d'y parvenir. L'illustration en est la nomination aux Finances de l'économiste Mthuli Ncube, professeur à la prestigieuse université britannique d'Oxford, ex-économiste en chef et vice-président de la Banque africaine de développement (BAD). « C'est une liste intéressante, a déclaré à l'AFP l'économiste Godfrey Kanyenze, de l'Institut de recherche pour le développement économique et social de Harare, qui a ajouté que « le ministère des Finances est entre de bonnes mains ». « Ça ressemble à un bon départ », a renchéri son collègue indépendant John Robertson. « Tout va dépendre maintenant de l'autonomie que le chef de l'État va accorder à ses ministres », a-t-il conclu.
Un challenge de taille
La tâche de ce docteur en Finance mathématique de l'université de Cambridge ne sera pas aisée, mais Emerson Mnangagwa entend compter sur ses compétences, son important réseau et le prestige dont il jouit dans les milieux économiques internationaux pour déminer le terrain et mettre l'économie zimbabwéenne sur une orbite plus favorable. Le besoin est d'autant plus fort que le Zimbabwe est sorti exsangue des trente-sept ans du règne autoritaire de Robert Mugabe, lequel, rappelons-le, a été contraint à la démission par l'armée et le parti au pouvoir, la ZANU-PF, en novembre dernier. Illustration : le chômage y frappe plus de 90 % de la population active et l'État peine chaque mois à payer ses fonctionnaires faute de liquidités. « Nous voulons développer, moderniser et mécaniser notre économie », a insisté vendredi le chef de l'État zimbabwéen devant la presse alors qu'il présentait son nouveau cabinet. « Dans les cinq prochaines années, nous devons réussir à faire passer un bon nombre de nos concitoyens défavorisés dans la classe moyenne », a-t-il poursuivi. Un objectif bien ambitieux vu le contexte compliqué dans lequel se trouve le pays.
Des changements importants à des postes-clefs
Dans sa volonté de lutter contre la corruption et de modifier de manière sensible la donne autour des affaires politiques et économiques, le président Mnangagwa a procédé à des changements aux ministères-clés de la Défense et des Affaires intérieures. Il a par ailleurs confirmé deux généraux à la retraite aux portefeuilles des Affaires étrangères et aux Affaires foncières, deux secteurs plus que stratégiques dans le contexte zimbabwéen. Et, signal que tous les citoyens de son pays sont concernés, Emerson Mnangagwa a nommé au ministère des Sports l'ancienne championne de natation Kirsty Coventry, qui a la particularité de faire partie de la minorité blanche du Zimbabwe. Double médaillée d'or aux Jeux olympiques d'Athènes (2004) et Pékin (2008), Kirsty Coventry est aussi quelque part un symbole que le président Mnangagwa entend afficher au moment où la question foncière est perçue comme un terrain de confrontation entre la majorité noire sans terres et la minorité blanche propriétaire de l'essentiel des domaines. « Je suis très honorée d'avoir été choisie par le président Mnangagwa pour être ministre de la Jeunesse, des Sports, de l'Art et des Loisirs. Je vais continuer à porter avec fierté notre drapeau et à me dédier au service de tous pour que notre pays continue d'avancer », a-t-elle dit dans un tweet relayé par le président Mnangagwa en personne.
Au-delà, il y a lieu de noter que la présentation de sa nouvelle équipe a été accueillie plutôt favorablement par les analystes. « Il (le président) a été assez audacieux pour écarter des gens qui étaient connus pour être corrompus », a-t-il ajouté. Parmi ces exclus figurent l'ancien ministre des Finances Patrick Chinamasa, son ex-collègue de l'Information Supa Mandiwanzira et celui des Affaires intérieures Obert Mpofu.
Malgré ces appréciations positives, l'opposition ne change pas de point de vue comme l'illustre ce tweet de Nelson Chamisa par lequel le principal opposant explique qu' « un président illégitime ne peut pas nommer un cabinet légitime ».
Avec Le Point