L'Afrique sera-t-elle le futur eldorado du transport aérien ? Annoncé depuis longtemps, le boom du secteur, parsemé d'obstacles, tarde à se confirmer, mais la croissance économique soutenue et une classe moyenne grandissante désireuse de voyager devraient bouleverser la donne dans les toutes prochaines décennies.La compagnie publique éthiopienne ne s'y est pas trompée en investissant en masse dans le reste de l'Afrique subsaharienne. Son directeur général, Tewolde Gebremariam, annonce avoir acquis des parts dans pas moins de quatre compagnies aériennes et a commencé à en gérer une cinquième.
Quels sont les pays où Ethiopian Airlines investit ?
Ethiopian Airlines a conclu des accords lui garantissant d'obtenir 49 % des parts des compagnies nationales de Guinée et du Tchad, 45 % de Zambia Airways. Ethiopian a aussi créé une compagnie au Mozambique qu'elle détient entièrement et a commencé à gérer Equatorial Guinea Airlines, a expliqué à l'AFP Tewolde Gebremariam. « Guinea Airlines se prépare à bientôt lancer des vols vers des pays voisins et de la région. Chadian Airlines entrera en service le 1er octobre. Mozambique Airlines commencera à fonctionner à la fin de l'année. Et, à la demande du président équato-guinéen Teodoro Obiang (Nguema), ET (Ethiopian Airlines) a pris en charge la gestion complète de la compagnie nationale de son pays », a-t-il déclaré. C'est à partir de la compagnie nationale du Tchad qu'Ethiopian Airlines compte construire un autre hub, pour l'Afrique centrale. Ethiopian Airlines possède déjà 40 % de la compagnie togolaise Askyet et 49 % de Malawian Airlines.
L'ouverture récente de l'espace aérien de l'Érythrée à Ethiopian Airlines devrait aussi rapidement se traduire en résultats chiffrés pour la compagnie, qui se voit déjà conquérir par ce biais Le Caire, Khartoum, Jeddah ou Dubaï. Le mois dernier, le directeur général d'Ethiopian Airlines avait annoncé son intention d'acquérir des parts dans Eritrean Airlines pour renforcer les liens commerciaux entre les deux pays.
Ethiopian Airlines se taille la part du lion
Selon les chiffres rendus officiels, Ethiopian Airlines est le premier transporteur aérien africain avec 10,6 millions de passagers sur l'année budgétaire éthiopienne 2017-2018, qui a pris fin le 8 juillet. Des bons résultats confirmés par Skytrax, la principale agence de notation de l'industrie du transport aérien. Elle se place ainsi au sommet de l'Afrique, au même niveau que les autres compagnies aériennes mondiales. Skytrax a également reconnu Ethiopian comme meilleure classe d'affaires en Afrique et meilleure classe économique. « Ethiopian a connu une année exceptionnelle avec des performances record dans les domaines financier, opérationnel, commercial et du service client. Cette performance historique est due avant tout à l'engagement, au travail acharné et à la compétence de mes 16 000 collègues, chacun d'entre eux jouant un rôle essentiel dans ce succès », écrivent les dirigeants dans un communiqué fin juillet.
Aujourd'hui, le transport aérien en Afrique pèse très peu à l'échelle mondiale : en 2015, l'Afrique représentait moins de 3 % du trafic passagers mondial, alors qu'elle compte 15 % de la population mondiale. Les prévisions de croissance du trafic aérien dans la région sont pourtant optimistes : + 6,2 % par an en moyenne pour les dix prochaines années, + 4,9 % pour la décennie suivante et + 5,5 % pour celle d'après, indique le Boston Consulting Group.
Un projet panafricain ?
La performance d'Ethiopian est donc d'autant plus exceptionnelle compte tenu de l'environnement opérationnel et concurrentiel très difficile, où le prix du carburéacteur, principal facteur de coût, a grimpé en flèche et est en moyenne 30 % plus cher en Afrique ! Pour le patron de la compagnie, qui célèbre ses 70 ans, « le reste du monde met les transporteurs du continent dans une situation de désavantage concurrentiel grave. Notre résultat remarquable a également été obtenu dans le contexte de la pénétration agressive des transporteurs étrangers sur le marché africain, l'industrie aérienne africaine devant collectivement perdre de l'argent ».
En plein essor, la compagnie éthiopienne a doublé de taille depuis le début de la décennie. Elle affiche déjà la flotte la plus importante du continent avec plus de 77 appareils, contre 45 en 2010. Mais c'est sur le terrain du panafricanisme que la compagnie entend se démarquer à l'avenir. Car, les chiffres d'Ethiopian mis à part, les dessertes intra-africaines sont encore passables, très chères, assurées par une cohorte de compagnies non rentables aux flottes microscopiques. Nombre d'acteurs du secteur déplorent des marchés nationaux trop protégés. Presque un quart des lignes intra-africaines sont desservies par une seule compagnie. Là aussi, Ethiopian veut convaincre les États d'investir dans une compagnie panafricaine, qui ne sera pas seulement la propriété d'un pays, mais comme un bien commun, qui sera placé sous l'égide de l'Union africaine... dont le siège se trouve précisément à Addis-Abeba.
En effet, arrivé au pouvoir en avril, le Premier ministre Abiy Ahmed a supervisé des réformes radicales qui ont modifié la trajectoire du pays. Celles-ci incluent l'introduction d'une politique majeure visant à assouplir le monopole du gouvernement sur plusieurs secteurs économiques clés, y compris l'aviation et les télécommunications. Tewolde Gabremariam a récemment réaffirmé dans cet état d'esprit : « En tant que compagnie aérienne panafricaine, je ne vois aucune raison pour laquelle nous ne devrions pas vendre les parts minoritaires d'Ethiopian Airlines aux pays africains s'ils sont intéressés par l'achat. » Pour l'instant, seuls 12 pays ont signé l'accord poussé par l'UA pour libéraliser le ciel africain. Voyager d'une capitale africaine à une autre impose encore parfois de passer par l'Europe ou le Moyen-Orient.
Avec le Point