La Générale des carrières et des mines (Gécamines) est sur la bonne voie. Avec ce partenariat gagnant-gagnant qu’elle vient de conclure avec la société chinoise, China Nonferrous Metal Compagny (CNMC), il y a une lueur d’espoir, étant donné que le nouveau partenaire de la Gécamines qui a construit l’usine ultramoderne de traitement de cuivre et cobalt se montre sérieux. Si les choses se passent telles qu’inscrites dans le contrat signé entre les deux parties, un lendemain meilleur se dessine déjà.
Après avoir tenté plusieurs fois de surmonter les difficultés de tous genres, la Générale des carrières et des mines (Gécamines) s’engage dans un nouveau partenariat avec China Nonferrous Metal Compagny (CNMC), une société chinoise. Dans le cadre de ce partenariat, une usine ultramoderne de raffinage de cuivre et cobalt est construite dans la province du Lualaba, à environ 35 km à l’Est de la ville de Kolwezi. Son inauguration a eu lieu le 15 janvier.
Deziwa, c’est une joint-venture créée en 2017 et détenue par l’opérateur minier public Gécamines (49%) et le groupe China Nonferrous Metal Compagny (51%). A une capacité installée de 80 000 tonnes de cuivre et 8 000 tonnes de cobalt par an – chiffres qui doivent être doublés lors de la phase additionnelle du projet – Deziwa a nécessité un investissement de 880 millions de dollars (790 millions d’euros). Il repose sur des réserves de 4,6 millions de tonnes de cuivre et de 420 000 tonnes de cobalt.
Pour le président du Conseil d’administration de la Gécamines, Albert Yuma Mulimbi, l’usine de Deziwa est un symbole de résistance de la Gécamines ainsi que la reprise de son destin minier.
« Deziwa, que vous voyez devant vous, est le symbole de notre résistance et de notre volonté de nous réapproprier notre destin minier. Deziwa est l’antithèse de l’esprit de renoncement. Deziwa est la preuve qu’avec la volonté, l’acharnement et la créativité, il est possible de dépasser nos difficultés, celles qui nous empêchent d’aller aussi vite que nous le voudrions. Résistance, car Deziwa c’est avant tout et au départ, l’histoire de la récupération d’un titre minier », a déclaré Albert Yuma dans un discours lu par son représentant à la cérémonie d’inauguration de l’usine.
Dans ce deal entre la Gécamines et son partenaire chinois où la partie congolaise détient 49% des parts, des innovations importantes sont signalées. Au nombre de celles-ci, l’on note que le projet Deziwa est d’abord et avant tout un projet à durée déterminée.
« Contrairement à nos autres partenariats industriels, la durée de vie de notre collaboration est déjà fixée et, à son terme, nous serons seuls maîtres à bord. Cette durée a été fixée à neuf années, éventuellement prolongées de deux années, si les conditions de marché ont été si négatives que nos partenaires n’ont pas pu rembourser leur apport. Mais dans tous les cas de figure et, au maximum après 11 années, même s’il reste des dettes, et j’insiste sur ce point, l’usine sera l’entière et unique propriété de la Gécamines qui disposera alors d’une unité industrielle de grande capacité, sans aucun doute la première et la plus grande depuis les années 50 du siècle dernier », a fait remarquer Albert Yuma.
Et d’ajouter : « Je ne serai très probablement plus aux commandes de l’entreprise le 15 janvier 2029, mais ce dont je suis certain, c’est que les ingénieurs de la Gécamines qui auront alors la chance et la fierté de se voir transmettre cet outil industriel sentiront alors la responsabilité qui pèsera sur eux. Gécamines sera définitivement redevenue un producteur de classe mondiale ».
En fonction des réserves connues à ce jour et de la production annuelle envisagée, rassure Albert Yuma, il restera à ce moment-là à la Gécamines au minimum entre 7 et 9 années de production en propre. Ce, étant donné que la mine de Deziwa n’a pas été certifiée en totalité et CNMC commencera prochainement, au titre de ses obligations contractuelles, à certifier le reste de la mine.
En fonction des résultats de ces travaux de certification que la Gécamines n’aurait pas eu les moyens de le faire seuls, et de la volonté des parties, la Gécamines pourra rester seule propriétaire du tout, ou accepter que la capacité de production de l’usine soit portée à 200 000 tonnes avec un nouvel investissement et une nouvelle durée de remboursement, liée directement à cet investissement.
Avec ce projet, se félicite Albert Yuma, c’en est donc fini de ces projets Life of Mine, où certaines de nos mines ont été vidées de la totalité de leurs minerais, sans qu’aucun dividende n’ait jamais été payé.
Dans le projet Deziwa, quand bien même les revenus seraient inférieurs aux attentes pendant ces 9 années, ce qu’Albert Yuma ne croit absolument pas au vu de professionnalisme et de la confiance qui règnent entre différents groupes, il restera toujours à la Gécamines, au terme fixé, une usine et des minerais à traiter, et plus comme par le passé, nos yeux pour pleurer.
Résultats économiques satisfaisants
Autre innovation, Deziwa est un projet où les droits des partenaires sont équivalents. L’histoire renseigne que les partenariats tels qu’ils ont été noués dans les années 2000, l’ont été clairement au détriment de la Gécamines. Participation minoritaire au capital, droits de vote réduits, possibilité de peser sur la gestion de la société inexistante.
« Quand on voit les résultats économiques et financiers de nos partenaires aujourd’hui, on se demande bien pourquoi notre participation à l’époque fut frappée d’une telle indignité », se rappelle le PCA de la Gécamines.
Dans SOMIDEZ, CNMC détient 51% des actions et la Gécamines 49%, ce qui n’a jamais été le cas auparavant. La Gécamines était plutôt cantonnée entre 20 et 30%, situation qui était doublement injustifiable. « Économiquement d’abord, comment peut-on justifier qu’un partenaire qui apporte la majeure partie de la richesse à un projet – le gisement – ne dispose que de si peu de droits de vote dans la société commune. Certains de nos experts ont fait le calcul entre la valeur des gisements apportés par la Gécamines, en prenant comme référence leur valeur boursière, et la valeur du financement apporté par les partenaires. Si ces calculs étaient faits aujourd’hui et que la valeur des gisements était apportée au bilan des sociétés, nos partenaires seraient systématiquement minoritaires dans les joint-ventures », fait remarquer Albert Yuma.
Opérationnellement, la Gécamines s’est rendu compte que ses partenaires qui sont au minimum à la fois les financiers du projet et leurs opérateurs, sont souvent également ceux qui construisent le projet, ceux qui achètent sa production et qui sous-traitent des travaux à l’entreprise commune. À l’expérience, cette confusion des genres a toujours plus profité aux partenaires, à travers leurs filiales, qu’aux résultats de la société commune, qui s’est vue privée de manière artificielle de ses revenus.
Dans Deziwa par contre, et c’est donc une troisième innovation, des mécanismes de gouvernance novateurs ont été mis en place pour dépasser cette contradiction. Les premiers sont liés aux décisions majeures, au suivi et contrôle du projet…. Toute décision importante – et elles sont nombreuses – sera désormais prise par les deux partenaires à égalité.
Standards minima
Dernière innovation, il a été convenu que la répartition des contrats de sous-traitance serait désormais faite au prorata de la participation de chacun au capital de la société. Ainsi, la Gécamines a la possibilité d’orienter près de la moitié des OPEX pendant la durée de vie du projet commun, vers des entreprises locales et faire qu’enfin, l’argent nécessaire au fonctionnement du projet industriel profite à des entreprises congolaises et pas quasi exclusivement à des sous-traitants étrangers, souvent filiales du partenaire. Aux yeux des experts, ce n’est que justice pour la RDC.
Avec le nouveau partenariat entre la Gécamines et la partie chinoise, « personne ne pourra imposer à la Gécamines des dépassements en CAPEX ou en OPEX non justifiés dans le projet, de nouveaux investissements non prévus à l’étude de faisabilité, des changements de partenaires intempestifs, etc. ».
Notons par ailleurs que c’est un impératif social et économique que l’industrie minière joue son rôle d’accélérateur de l’économie congolaise. A ce jour, toutes les études montrent que l’industrie est utile pour l’emploi et la création des richesses, mais peut-être et surtout pour l’effet d’entraînement qu’elle a sur les consommations intermédiaires qu’elle mobilise.
Avec le projet Deziwa, le point important est que si toutes ces innovations majeures en matière de gouvernance et de sous-traitance sont dans Deziwa, elles constituent désormais le standard minimum de tous nos nouveaux partenariats – qu’il s’agisse de joint-ventures traditionnelles, nouvelle version quand la situation l’impose ou dans les projets de partage de production. Les responsables de la Gécamines essaient également, tant que faire se peut, d’introduire des mécanismes similaires, à l’occasion des renégociations avec nos partenaires déjà établis.
Le projet de Deziwa est bien plus qu’un nouveau projet. Il incarne par ses innovations, la volonté de Gécamines, et au-delà celle de l’Etat actionnaire, de se donner les moyens de peser à nouveau dans la production du pays et au-delà et de rétablir des relations équilibrées avec ses partenaires.
« Honneur, mais aussi fierté. Fierté de voir cette usine magnifique, moderne, en production commerciale. « Je me dois d’ailleurs de saluer la prestation opérationnelle réalisée par nos partenaires de CNMC. Ils ont su bâtir cette usine dans des délais inférieurs, je dis bien inférieurs, aux délais contractuels prévus, et à des coûts équivalents, et je dis bien équivalents, à ceux qui avaient été budgétés lors des phases de négociation. Nous devons donc tous nous incliner devant ce savoir-faire et cette maîtrise qui est l’apanage de véritables professionnels du secteur minier, et bien loin, malheureusement, des errements dont nous avons trop malheureusement soufferts par le passé et dont nous avons été les victimes dans nos autres partenariats », s’est réjoui Albert Yuma.
Il faut noter qu’avant le partenariat avec les Chinois, la Gécamines a passé des moments difficiles. N’eût été la perspicacité de ses dirigeants dont Albert Yuma, dont le patriotisme n’est plus à démontrer, on ne conjuguerait la Gécamines qu’au passé.
Une patience qui a payé
Il y a quelques années, Deziwa était un titre qui fut concédé, en son temps, à un partenaire dans la perspective de construire un projet industriel commun, mais qui a trouvé beaucoup plus avantageux, judicieux et probablement rémunérateur, d’essayer de le revendre avant même d’avoir commencé le moindre développement opérationnel.
Ces partenaires avaient déclaré à la Gécamines et aux autorités de l’Etat de la RDC avoir découvert 958 000 tonnes de cuivre et 85 375 tonnes de cobalt sur le gisement de Deziwa, quand à la bourse de Hong-Kong, ils déclaraient 4,6 millions de tonnes de cuivre et 388 000 tonnes de cobalt. Alertée sur cette tentative de cession dont la Gécamines n’était pas informée, elle fit jouer son droit de préemption, et avec l’appui d’un bailleur de fonds privé, la Gécamines a réussi à racheter les parts de son partenaire pour redevenir seule propriétaire du titre minier. Grâce à cela, l’entreprise a disposé à nouveau de réserves et ressources exploitables pour développer un projet d’envergure, un projet majeur.
Cette opération fut la première destinée à redévelopper le potentiel minier de la Gécamines. Car, à la vérité, c’est bien beau de proclamer vouloir redevenir un opérateur minier, et de rang international de surcroît, mais comment seulement l’espérer sans aucune réserve certifiée.
« Je rappelle qu’à notre arrivée, le potentiel de réserves minières de la Gécamines était de 276 000 tonnes de cuivre, pas grand-chose pour un géant. Cette opération de reconstitution du patrimoine minier national, fut suivie par d’autres, mais toujours seul, et sans l’aide de personne. Certification de mines, comme à Kamfundwa qui totalise aujourd’hui 1,6 M de tonnes de cuivre, certification de rejets, comme à Poto-Poto ou Kingamyambo et, enfin, récupération, je dis bien récupération de permis de classe internationale, à l’occasion de nos renégociations de partenariats, comme dans KCC », a rappelé Albert Yuma.
Ces actions silencieuses, peut-être trop silencieuses pour ceux qui aiment plus le buzz, que les faits ont finalement permis à la Gécamines de reconstituer un potentiel minier estimé à 9 millions de tonnes de cuivre et 900 000 tonnes de cobalt. Pas mal pour un moribond qui en 2010 ne disposait que de moins de 300 000 tonnes de cuivre.
« Désormais, la Gécamines est en capacité de développer des projets d’envergure. Mais cela a nécessité du temps et de la volonté, dont nous n’avons jamais manqués fort heureusement, mais aussi de l’argent, dont malheureusement, comme toutes les entreprises du portefeuille de l’État, nous avons été largement dépourvus », a lâché Albert Yuma.
À ce sujet, il dit entendre déjà monter le cœur des pleureuses, notamment les ONG étrangères qui « bénéficient invariablement de la caisse de résonnance de tous leurs supplétifs congolais ». Mais qu’avez-vous fait de l’argent des partenariats? Albert Yuma rappelle qu’il a déjà répondu publiquement à ces attaques dans un rapport circonstancié de 61 pages et qu’aucune d’entre elles, n’a contesté une seule de ses affirmations. « Pas de communiqué du Carter Center, ni de Global Witness, ni d’Enough Project », a-t-il ironisé.
« Nous l’avons tout d’abord dépensé en salaires. Nous aurions pu trancher dans le vif, licencier des milliers de personnes et les laisser à leur sort. Cela nous aurait facilité la tâche. Mais non, nous avons préféré rattraper les arriérés de salaires laissés par nos prédécesseurs, et notamment ceux mis en place par la Banque mondiale à la tête de la Gécamines et payer de manière régulière nos salariés, quand bien même, ce que chacun sait, une majorité d’entre eux n’ont plus de réelle activité opérationnelle », s’est félicité Albert Yuma.
Présentement, les seuls salaires payés depuis janvier 2011 ont totalisé 750 millions de dollars et cette somme ne prend pas en compte les décomptes finals qui ont permis de faire partir dignement à la retraite quelques 2 300 personnes. Par ailleurs, il a fallu à l’équipe dirigeante de la Gécamines d’investir dans l’outil de production, faire des avances fiscales à l’Etat et financer le fonctionnement courant de ce qui pouvait encore l’être dans l’entreprise, faire fonctionner les écoles et faire fonctionner les hôpitaux, dispensaires et maternité dont il faut bien que les factures soient honorées.
« Si, disposer de réserves est une condition nécessaire, elle n’est pas suffisante pour refaire de vous un producteur minier de rang international. Pour cela, vous devez aussi pouvoir disposer d’installations industrielles performantes, et si possible modernes. Pour développer un projet d’envergure, un projet global, vous devez être en capacité de pouvoir lever des financements conséquents nécessaires aux études et à la construction des projets et disposer d’une organisation à même de soutenir vos projets et les gérer, double condition non remplie par la Gécamines », pense Albert Yuma.
Ainsi, une usine telle que celle de Deziwa, est plus proche du milliard de dollars que de 500 millions, et dans la situation décrite d’incapacité de recourir aux acteurs financiers, la Gécamines était dans l’impossibilité absolue de financer seule le développement de ce projet.
Elle a donc fait le choix de rechercher un partenaire pour l’accompagner dans le projet, mais dans l’optique bien spécifique d’en devenir à terme le seul propriétaire et le seul exploitant.
Avec le Potentiel