Bruxelles confirme un constat partagé partout en Europe : la conjoncture économique s’améliore, lentement mais nettement. Pour ses « Prévisions économiques de printemps », publiées mardi 5 mai, la Commission européenne anticipe désormais une croissance moyenne du produit intérieur brut (PIB) de 1,5 % dans l’eurozone pour 2015 (contre 1,3 % il y a trois mois), et de 1,9 % pour 2016. Pour l’ensemble des 28 pays de l’Union, la hausse du PIB attendue est de 1,8 % en moyenne pour 2015 (et de 2,1 % en 2016).
Le scénario de Bruxelles conforte par ailleurs les hypothèses du gouvernement français pour parvenir à une réduction du déficit public sous les 3 % du PIB en 2017. La deuxième économie de la zone euro devrait croître de 1,1 % en 2015, selon Bruxelles, à peine plus que la prévision – très prudente – sur laquelle s’est basé Bercy pour établir la prévision de budget 2015 (1 %).
Cela devrait permettre à l’Hexagone de réduire son déficit public à 3,8 % de son PIB en 2015, selon Bruxelles, et à 3,5 % en 2016 (Bercy prévoit respectivement 3,8 % et 3,3 %). Quant à la courbe du chômage, elle pourrait enfin s’infléchir à partir de 2016 (10 %, contre 10,3 % en 2015).
La France reste néanmoins loin derrière les économies les plus dynamiques de l’eurozone : le PIB allemand devrait croître de 1,9 % en 2015, celui de l’Espagne de 2,8 % et celui de l’Irlande de 3,6 %. Mais il y a pire : ainsi de la Finlande (+ 0,3 % de hausse du PIB en 2015) ou de l’Autriche (+ 0,8 %), qui font du surplace.
Le cas grec est intéressant : la Commission ne prévoit plus qu’une croissance de 0,5 % cette année, contre 2,5 % de hausse lors de ses prévisions d’hiver, en février. Quant à la prévision de déficit public, elle est désormais de 2,1 % pour 2015, contre un surplus primaire de 1,1 %, lors des dernières évaluations…
Bruxelles a tout simplement intégré l’aléa des négociations entre Athènes et ses créanciers. Ces discussions patinent depuis trois mois, et cette incertitude politique a déstabilisé le secteur financier et en partie paralysé l’activité économique des derniers mois en Grèce.
Facteurs exogènes
Pour la Commission, qui, il y a encore à peine six mois, redoutait le spectre de la déflation, la croissance retrouvée est due à la baisse du prix du pétrole et au change euro/dollar, favorable aux exportations de l’Union. Sans oublier le « Quantitative easing » (QE), la politique de rachat massif de dettes souveraines lancée par la Banque centrale européenne (BCE) en mars, qui a pour effet d’abaisser les taux d’intérêt.
Des facteurs en grande partie exogènes, donc. C’est la raison pour laquelle la Commission a insisté, mardi, sur la nécessité de poursuivre sur la voie des réformes de structure. « Nous devons faire en sorte que cette croissance soit soutenable, en continuant à faire les réformes structurelles, à investir et à maintenir la discipline budgétaire », a déclaré Valdis Dombrovskis, vice-président en charge de l’euro.
« Il faut en faire davantage pour s’assurer que cette amélioration soit plus qu’un phénomène saisonnier », a ajouté son collègue Pierre Moscovici, commissaire en charge de l’économie.
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Un message directement à l’adresse de Paris. La Commission doit rendre un avis sur son « programme national de réformes » (PNR) le 13 mai, et n’a pas l’intention de prendre l’exercice à la légère. Certains estiment cependant à Bruxelles que le PNR reçu ces dernières semaines « est de meilleure qualité » que la liste de réformes déjà envoyée en février. Il serait plus détaillé, plus précis, avec un agenda plus clair. Mais Bruxelles aimerait que la France aille plus loin dans la réforme du travail et précise celle de l’Unedic.
« L’économie française ne va pas assez bien »
« Fondamentalement, l’économie française ne va pas assez bien », reste « impuissante à créer des emplois nécessaires à ses jeunes », et ce malgré « l'environnement monétaire et financier le plus favorable (...) depuis plusieurs décennies », a quant à lui déclaré, mardi matin, le gouverneur de la banque de France, Christian Noyer.
Ce dernier a repris son argumentaire habituel sur les mesures que le gouvernement devrait mettre en œuvre. Il a ainsi appelé à un « redressement des finances publiques et à un réexamen de l'action publique ».
Selon lui, la France reste, en raison de son haut niveau de dépenses, trop vulnérable face à une éventuelle remontée des taux d'intérêt, aujourd’hui historiquement bas dans toute la zone euro.
La Commission doit, courant juin, se prononcer sur ces 4 milliards d’euros d’économies supplémentaires que Paris s’est engagé à trouver pour 2015. C’est la somme jugée nécessaire pour parvenir à un « effort structurel » (réduction du déficit hors effets de la conjoncture), de 0,5 point de pourcentage du PIB cette année.
Paris a envoyé sa copie courant avril, et les fonctionnaires de la Commission sont en train de vérifier si ces 4 milliards sont tous qualifiés, pour s’assurer qu’il y a une mesure d’économie effective derrière chaque euro. À Bercy, on précise que les arbitrages récents de l’Elysée en faveur du budget militaire n’ont aucune incidence sur ces économies promises à Bruxelles.
« On ne change rien à notre trajectoire »
Mais les prévisions de printemps vont-elles contraindre Paris à réaliser plus que ces 4 milliards pour parvenir à l’effort structurel requis, cette somme ayant été établie sur la base des prévisions d’hiver, moins optimistes ? Oui, explique-t-on à la Commission.
Du côté français, on se garde bien de tirer des plans sur la comète. « Ces prévisions de croissance sont un peu meilleures, tant mieux, on préfère cela que l’inverse », note le cabinet de Michel Sapin, ministre des finances. « Mais la croissance effective de 2015, on la verra en mars 2016. Là, on est dans la marge d’incertitude. Notre stratégie est cohérente, avec une croissance prévue à 1 %. On ne change rien à notre trajectoire. Les économies, on les fera : tous les 50 milliards [sur trois ans], mais pas plus que les 50 milliards. »
Malgré ces notes discordantes, le climat à l’égard de la France à Bruxelles s’est nettement amélioré ces derniers mois. Et le risque d’une sanction s’éloigne considérablement. Le fait que l’exécution du budget 2014 ait été bien meilleure que prévu (le déficit public n’est plus que de 4 % contre une prévision initiale de 4,4 %), y est évidemment pour beaucoup.
La perspective d’une France sous les 3 % de déficit public dans deux ans – du jamais vu depuis près de huit ans – lève pas mal de réserves en interne à la Commission.
Le comportement du gouvernement y est aussi pour quelque chose. Les ministres des finances, Michel Sapin, et de l’économie, Emmanuel Macron, multiplient désormais les allers-retours à Bruxelles, pour rencontrer des commissaires – et pas seulement le Français Pierre Moscovici. La venue du premier ministre, Manuel Valls, à Bruxelles, en mars, a aussi été appréciée.
Le but ? « Vendre » une image de la France qui sait se réformer, et désamorcer les tensions créées par l’octroi, en février, d’un délai supplémentaire de deux ans à Paris afin de revenir dans les clous du pacte de stabilité et de croissance. Une décision politique de la Commission qui avait été très mal vécue par nombre de petits pays de l’eurozone.
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