Depuis le début du XXème siècle, la croissance économique demeure le maitre mot de toutes les politiques économiques entreprises par les différents gouvernements du monde entier. De ce fait, s’intéresser à sa vigueur, sa volatilité, son caractère introverti ou extraverti devient alors un exercice plus qu’intéressant.
L’annonce d’un taux de croissance positif est, pour plusieurs pays, un motif de joie, elle augure la reprise de la consommation des ménages, de l’investissement, elle présage également la baisse du chômage. C’est ainsi que la croissance économique constitue souvent en soi, pour différents pays, un objectif de politique économique qu’elle soit économiquement riche ou pauvre (Englert, 2007). Selon le rapport sur le développement humain publié par le PNUD en 2015, l’espérance de vie de la population congolaise a grimpé de 9 ans (de 50 ans à 59 ans) et le revenu moyen (en parité du pouvoir d’achat) d’un congolais a augmenté jusqu’à 680$. La RDC a donc gagné 10 places en passant de la 186ème place à la 176ème.
Par ailleurs, il convient de signaler que si la croissance économique est, quelque fois, un motif de joie, elle n’est pas nécessairement un motif de bonheur. L’on constate, le plus souvent dans les pays africains, que de taux de croissance éloquents sont accompagnés d’une pauvreté grandissante, logique que Jagdish Bhagwati qualifie de « croissance appauvrissante ». Le rapport 1-2-3 de 2012 nous éclaire sur deux réalités inédites: lorsqu’on se réfère au seuil de pauvreté monétaire, l’on trouve un taux de pauvreté de 63,4% alors qu’à la question « êtes-vous pauvres ? », l’on trouve qu’il y a 72% des pauvres.
Ces constats nous rassurent qu’outre les vertus que l’on peut reconnaître à la croissance économique en RDC, plusieurs défis restent encore à relever à l’instar de :
- Une croissance porteuse des inégalités: que ce soit sur le plan du revenu que sur le plan de l’accès à l’eau ou à l’électricité, il existe de fortes disparités au sein de l’économie congolaise. En dehors de Kinshasa où le taux d’accès à l’électricité est de 39,1%, les autres Provinces souffrent avec une desserte de moins de 5% en électricité. Au niveau des revenus, le niveau des inégalités ne cessent de croitre ainsi que le témoigne le passage du coefficient de Gini de 0,42 à 0,45 de 2005 à 2012.
- Une croissance économique trop sectorisée : l’écrasante majorité des IDE en RDC s’orientent vers d’extraction de ressources naturelles, voilà ce qui justifie la prolifération des entreprises minières en RDC. En 2014, les secteurs extractifs ont contribué pour 49,5% à la croissance économique (BCC, 2015). Ce qui est valable pour les secteurs l’est aussi pour les provinces. En effet, il y a une concentration inégale des activités économiques puisque 3 provinces en l’occurrence Kinshasa, Katanga et Équateur représentent 55% du PIB à elles seules et 8 autres provinces ne représentent que 45% du PIB en 2012.
- Economie d’écrémage: en réalité, depuis l’époque coloniale, la chasse internationale aux matières premières a été l’activité principale de l’économie congolaise. Au lieu d’être exploitées normalement, les ressources naturelles de la RDC font l’objet d’un pillage sans respect de la biodiversité. Le taux de déforestation de 0,2% l’an, l’accélération des phénomènes d'érosion, des glissements de terrain ou des affaissements de sols suite à un déboisement massif provoqué par l’exploitation minière, la diminution du nombre d’éléphants et d’autres animaux rares, la signature des contrats léonins, les guerres de minerais à l’est du pays, l’épuisement du diamant au Kasaï et l’épuisement de la forêt de Mayumbe au Bas-Congo en sont les exemples patents.
Il s’ensuit que la forte dépendance des performances économiques de la RDC envers un seul secteur ou quelques provinces constitue un danger dont il faut se libérer. Cette dépendance peut fausser tout calcul du développement à long terme pour autant qu’elle accentue la vulnérabilité de l’économie face aux chocs extérieurs.
L’exemple des pays exportateurs du pétrole nous est riche en leçons. En 2015, le prix du baril du pétrole a chuté jusqu’à près de 40$ alors qu’il se situait à plus de 100$ en janvier 2014. Suite à cette situation, le Venezuela est au bord de la faillite avec la pénurie des denrées alimentaires et des médicaments. L’Angola qui montait en flèche connait actuellement un arrêt brutal, lequel se manifeste par le non-paiement des salaires des fonctionnaires pendant 9 mois. Au niveau de l’économie congolaise, les prévisions de croissance ont été revues à la baisse de 10,3% à 7,7% suite, principalement, à la baisse des cours de matières premières.
Dans un environnement caractérisé par la baisse des cours de matières premières, ne serait-il pas légitime de se poser la question de la vulnérabilité structurelle de l’économie congolaise ?
Etant donné qu’un pays ne se suffit à lui seul, importer ou exporter les biens, la technologie, les capitaux, les services sont sans doute des activités récurrentes pour toutes les économies du monde indépendamment de leur niveau de développement.
Cependant, la forte dépendance d’une économie envers l’extérieur entraîne une forte vulnérabilité c’est-à-dire le pays subit sévèrement les effets de chocs exogènes. Le ralentissement de l’économie chinoise, dont les exportations sont le substrat, donne matière à réflexion.
Par ailleurs, cette vulnérabilité s’accentue lorsque le pays fonctionne dans le système d’extraction-exportation des matières premières. En effet, l’occident et l’orient demeurent le principal débouché des ressources naturelles produites par la RDC, il les transforme et les conditionne à l’aide d’une technologie qui s’améliore incessamment. Avec l’aide de cette technologie, l’on peut produire les biens avec de moins en moins des matières premières et par conséquent, la demande des matières premières diminue. Les produits primaires étant cédés à de prix très bas, l’augmentation de la quantité des produits miniers reste, pour les entreprises, le seul rempart pour assurer une rentabilité maximale.
Nous comprenons, à partir de ces graphiques, que les cours du cuivre et du cobalt diminuent avec le temps à telle enseigne que le cours du cobalt de 2014 ne représentait que 46% de son niveau de 2007. Ensuite, savoir que les exportations du cuivre et du cobalt occupent plus de 80% des exportations totales pose la question de la vulnérabilité avec acuité. Qu’adviendra-t-il alors si les cours de matières premières diminuent durant trois ans successivement sur le marché mondial ? L’économie congolaise ne sera-t-elle pas en crise ?
Déjà en 2015, Ngonga et Tombola(2015) ont mis en évidence la vulnérabilité de l’économie congolaise face aux chocs exogènes du fait notamment de l’architecture de la production et des exportations (dominée par les produits miniers). Cela étant, nous insistons là-dessus en vue de rappeler que la diversification de l’économie congolaise est urgente en vue de sa résilience.
Néanmoins, ne perdons pas à l’esprit que le problème de vulnérabilité en RDC est structurelle c’est-à-dire qu’à chaque fois qu’un choc affecte le secteur minier que ce soit au niveau des exportations ou de la production, l’économie congolaise en souffre sérieusement. Rappelons-nous que le cycle d’expansion d’avant 1974 a été brutalement interrompu par le choc pétrolier et la baisse du cours des matières premières. Entre 1969 et 1973, la production -tirée essentiellement du secteur minier- était florissante augmentant au rythme annuel de 4% l’an, l’inflation était également stabilisée mais suite aux turbulences de la conjoncture internationale, la situation a complètement changée.
Ne tirant pas les conséquences de cette crise, l’économie congolaise va s’effondre au début des années 1990 à cause de la faillite de la GECAMINES qui était, à l’époque, l’épine dorsale de la structure productive en RDC. Beaucoup d’entreprises publiques ou privées ont également fait faillite parce que dépendant en amont ou en aval de l’activité de la GECAMINES. C’est ce qui a ouvert la porte à 13 ans de récession avec un taux moyen de croissance de -8,43% entre 1989 et 2001.
C’est pourquoi, l’éradication de la vulnérabilité passe par l’élaboration de politiques de résilience économique tout en y jetant un regard profond sur la refondation de la structure économique. L’honnêteté scientifique nous pousse à reconnaître que certaines mesures sont déjà entreprises par le Gouvernement. Néanmoins, il se pose toujours un problème de continuité au regard des remaniements inopportuns constatés en RDC. Or, la vulnérabilité étant un problème structurel, il faudrait plutôt envisager un plan de développement voté au Parlement si possible en vue de bénéficier d’un pouvoir coercitif envers n’importe quel exécutif.
Dans le souci de rendre notre économie encore plus résiliente, nous pouvons proposer ce qui suit :
Mesures |
Actions |
Description |
1. Diversification de l’économie |
Créer les Parcs agroindustriels et de technopoles |
Dans un premier temps, développer la production agricole et ensuite promouvoir la transformation des produits agricoles à l’interne, investir dans l’acquisition de la technologie en vue de provoquer l’innovation. |
Développer les zones économiques spéciales |
Dans chaque province pilote, créer les ZES où toutes les conditions (eau, transport, électricité, etc.) sont réunies pour le développement des industries. |
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Promouvoir les pôles de développement |
Promouvoir la concentration géographique des activités dans chaque région (Nord, Sud, Est, Ouest) |
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2. Promotion des champions nationaux |
Créer les banques d’investissement |
Faciliter l’accès au crédit à travers les banques d’investissement. Il peut également assouplir les conditions d’accès au crédit (taux d’intérêt, garantie, échéance) de l’actuel FPI. |
Revoir la fiscalité |
Alléger la fiscalité des PME et introduire un système de barème progressif par tranche du bénéfice puisque le système de taux proportionnel de 35% ne profite pas aux PME. |
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Accorder des subventions |
Accorder des subventions aux PME congolaises et résoudre la question de la dette intérieure. |
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Assainissement du climat des affaires |
Assouplir les procédures de création des PME et rendre plus opérationnel le Guichet Unique. |
IZU-MAKONGO Akhenaton
Avec la prospérité