Il n'est pas utile d'expliquer à ceux de nos lecteurs qui doutent de l'exactitude de ces chiffres les raisons d'une telle augmentation de croissance. Il est évident qu'en Afrique la téléphonie mobile contribue comme partout ailleurs au développement des services existants comme à l'apparition de nouveaux services. De plus, en Afrique non urbaine, c'est-à-dire rurale dit aussi de brousse, elle permettra progressivement de relier au monde économique des populations jusqu'ici isolées, notamment constituées de femmes, qui restaient jusqu'à présent à l'écart des relations inter-personnelles et des modes de production-consommation permis par l'économie numérique.
On peut estimer que dans la brousse, il s'agira progressivement d'une véritable révolution sociétale, soustrayant les Africains et Africaines au pouvoir généralement aliénant des chefferies et religions traditionnelles. Mais si les bénéfices de la téléphonie mobile peuvent être estimés, il faut se demander qui supportera le coût nécessairement considérable des réseaux et des millions de téléphones mobiles qui en seront la contrepartie, coûts qui dans le rapport cité ne semblent pas avoir été évalués avec précision.
On répondra que comme partout ailleurs ce seront les utilisateurs finaux qui prendront en charge ces coûts, tant par l'achat des téléphones que par le paiement des abonnements. Mais il a déjà été fait valoir que par exemple le coût d'un portable, considéré par les utilisateurs en Europe comme insignifiant, pourrait dépasser longtemps les possibilités des futurs utilisateurs africains. On peut donc penser que ce seront les opérateurs téléphoniques qui pour créer le marché, prendront en charge ces coûts. Autrement dit, dans l'exemple cité ici, les téléphones portables devraient être attribués gratuitement à de futurs utilisateurs considérés comme crédibles et dûment enregistrés.
Il faut aussi se demander qui seront les futures opérateurs africains. S'agira-t-il de services publics, financés par l'impôt, d'entreprises commerciales véritablement africaines ou de filiales des « géants américains de l'Internet ». En ce cas les profits, mêmes s'ils restent momentanément en Afrique, finiront comme partout dans le monde occidental au bilan de ces entreprises, Google, Facebook et autres. Les Africains n'en auront que des retombées.
De même, si ces Google, Facebook et autres offrent apparemment gratuitement des services aux utilisateurs, en fait ils se rattrapent en enrôlant à leur insu ces utilisateurs au service de leurs intérêts économiques. C'est ce qu'ils font depuis toujours dans le monde occidental. Chaque utilisateur se retrouve à son insu client potentiel des services offerts par les entreprises filiales ou amies des fournisseurs d'accès ou de service. Quand il n'en est pas un client direct, il en est un agent commercial involontaire. C'est ce qui explique les centaines de milliards de bénéfices mis en évidence par les bilans des « géants de l'Internet » alors qu'ils offrent en apparence gratuitement leurs services aux utilisateurs.
On peut penser que la croissance attendue de la téléphonie mobile ne profitera que fort peu aux Africains eux-mêmes. Il ne faudra pas compter sur elle pour faire face aux besoins d'une population de plus d'un milliard de personnes pour l'ensemble de l'Afrique, population qui ne cesse de s'accroître faute du moindre contrôle des naissances.
De plus les problèmes considérables que le continent devra prochainement affronter avec le réchauffement climatique ne pourront guère être résolus par la téléphonie mobile. Mais il est vrai qu'elle pourra jouer un rôle.
Avec MediaPart