Lisa Cook, spécialiste des inégalités raciales, est la première femme noire en route pour devenir gouverneure de la Fed, la banque centrale des États-Unis. Le président Joe Biden l'a désignée, en attendant confirmation par le Sénat.
Lisa Cook a passé sa vie à démontrer combien le racisme, la haine et la violence peuvent réduire le niveau de vie et la croissance aux États-Unis. Elle s’exprime récemment au Centre de développement équitable (Washington Center for Equitable Growth) de Washington.
« Vous n’intégrez pas toute la population, vous n’utilisez pas toutes les ressources de l'économie. Vous ne gérez pas bien l’économie. Nous estimons que le produit intérieur brut par habitant serait de 0,6 à 4,5 % plus élevé s'il y avait plus de femmes et plus d'Afro-Américains inclus dans le processus d'innovation. C’est beaucoup d’argent perdu. »
Un parcours brillant et engagé
Les convictions de Lisa Cook ont été façonnées par son enfance à Milledgeville, dans l’État de Géorgie. « C’était le sud deségrégationiste », dit-elle, « et mes parents se battaient contre la non-violence aux côtés d’un ami de la famille, le pasteur Martin Luther King ».
Fille d’un aumônier baptiste et d’une professeure en école d’infirmières, c’est une des premières enfants noires à intégrer une école publique, autrefois réservée aux élèves blancs. Le climat est violent et elle garde sous l’œil droit la cicatrice des agressions racistes qu’elle a subi.
Lisa Cook surmonte toutes les épreuves et suit de longues études brillantes en économie et en philosophie dans de prestigieuses universités. À Atlanta d’abord, puis à Oxford, en Angleterre, à l’université Cheikh Anta Diop à Dakar, et enfin à Berkeley, en Californie. Sylvie Matelli, directrice adjointe à l’IRIS, l’Institut de relations internationales et stratégiques.
« C’est un haut potentiel, si vous me permettez l’expression, parce que docteure en économie, très engagée sur différentes questions, qui parle 5 langues dont le russe. Ce n’est pas n’importe qui. »
Une spécialiste des effets du racisme sur l'économie
Lisa Cook est, un temps, enseignante au Centre international de développement de Harvard, avant de devenir professeure d’économie et de relations internationales à l’université du Michigan. Un parcours qui impressionne le président Joe Biden, comme l'explique Sylvie Matelli.
« C’est une économiste mais ce n’est pas du tout une spécialiste de l’économie financière ou de la politique monétaire. C’est une spécialiste des effets pervers sur l’économie du racisme, donc il y a vraiment un engagement très fort, non seulement il (Biden) fait entrer une femme, mais une femme noire, je trouve qu’on est vraiment sur cette question des inégalités. »
Lisa Cook devrait donc apporter une dimension nouvelle qui n’existe pas à la Fed. Georges Ugeux, président de Galileo Global Advisors.
« C’est vraiment une personne qui est académique. Donc ce qu’elle va apporter, c’est un angle différent qui n’existait pas à la Fed. Elle va par exemple s’assurer que quand la Réserve fédérale fait des investissements ou bien soutient un certain nombre d’institutions financières, tout n’aille pas dans une seule direction et que l’on prenne en considération l’égalité des chances dans la politique de la Fed en matière d’emploi. »
Mettre à profit son expérience de conseillère en développement pour Obama
Le taux de chômage aux États-Unis est de 3,6 %, presque son niveau d’avant pandémie. Mais il est de 7 % pour la population noire.
En dehors de la lutte contre les inégalités raciales et de genre, Lisa Cook espère mettre à profit son expérience de conseillère en développement international dans l’administration de Barack Obama et son soutien dans l’équipe de transition de Joe Biden, explique Sylvie Matelli.
« Elle a beaucoup travaillé sur le développement économique donc ça c’est pas mal, parce que le durcissement de la politique américaine pour lutter contre l’inflation peut avoir des conséquences sur les pays du sud qui sont aujourd’hui très endettés, ce sont eux les plus vulnérables face à cette dette et le fait qu’elle soit spécialiste de ce développement économique, ce n’est probablement pas anodin. Elle avait beaucoup travaillé sur la reprise économique au Rwanda après le génocide de 1994. Donc voilà quelqu’un de plutôt empathique, ouverte sur le monde. »
La nomination de Lisa Cook fait toutefois grincer des dents dans les rangs des Républicains. Ils la jugent trop peu qualifiée en macroéconomie pour entrer à la Fed. Mais Lisa Cook n’en est pas à un combat près.
Rfi